Faire campagne - électorale - en campagne

Publié le par Désherbant

election.jpgSouvent considérées comme secondaires, les élections municipales - surtout si elles se déroulent en milieu rural, n’en sont pas moins régulièrement étudiées, comme en témoigne l’abondance de la littérature qui leur est consacrée.
Outre les manuels et guides pour les élections, de nombreux travaux traitent de la question de la professionnalisation du métier d’élu local et du rôle de maire rural.
Du côté de la littérature consacrée aux mondes ruraux, les ouvrages, dont certains sont assez anciens, traitent davantage des rapports au politique et des orientations politico-électorales des paysans (Fauvet et Mendras, 1958 ; Tavernier, Gervais et Servolin, 1972 ; Coulomb et alii 1990).
Cependant, hélas, malgré leur grande richesse,et en dépit de quelques exceptions (par exemple Nevers, 1992 ou encore Vignon, 2005), ces travaux s’intéressent assez peu aux élections municipales en milieu rural
Assimilées à des « querelles de clocher », perçues comme étant moins politisées, le peu d’attention dont font l’objet ces élections agricoles, s’explique sans doute en partie par des raisons pratiques.
Les terrains d’enquête sont en effet particulièrement difficiles à investir et posent, à l’instar d’autres milieux « difficiles » (Boumaza et Campana, 2007), de redoutables problèmes de méthodologie pour les sondeurs et autres chercheurs du cru.
Pourtant, ce silence entourant les élections municipales en milieu rural devient assourdissant dès lors que l’on réalise que 90% des communes – dans lesquelles vit 30% de la population – comptent moins de 3 500 habitants.
L’enjeu est donc de taille.
L’étude des élections - et a fortiori des municipales - dans un cadre restreint agraire, conduit le chercheur à « bricoler » et à s'adapter aux spécificités de son terrain les techniques d’enquête couramment utilisées.
Par exemple, comment peut-il faire accepter à la population d’un village le principe
d’une enquête par questionnaire sachant que, bien souvent, le moindre renseignement met en péril la garantie d’anonymat qui accompagne ce type de recherche ? 
Comment récolter des données en entretien alors que la frontière entre ce qui relève de la sphère publique et de la sphère privée est souvent très ambiguë ?
Plus globalement, comment faire pour parvenir à se fondre dans l’environnement et à pénétrer, pour une durée plus ou moins longue, le postulat idéologique de ces territoires ?
Il serait pourtant bien intéressant de voir, d'abord, quelle forme prend la compétition électorale lorsqu’elle est moins, voir pas du tout, codifiée.
Par exemple, alors que dans les communes de 3 500 habitants et plus, la campagne électorale et les déclarations de candidatures sont strictement réglementées, les communes de moins de 2 500 habitants jouissent d’une grande, voire immense liberté.
Ainsi, des personnes qui n’étaient pas candidates peuvent être élues ou se présenter au deuxième tour alors qu’elles n’avaient pas concouru lors du premier tour !!
Incroyable, n'est ce pas ?
Les élections en milieu rural se caractérisent ensuite par l’hyper-proximité qui existe entre les électeurs et leurs élus. 
La prégnance de cette inter connaissance dans les villages et les hameaux nous mène à considérer deux pistes :

- Quelles sont les incidences sur les manières de faire campagne ? Est-il besoin, quand chacun se connaît, de diffuser des tracts, de coller des affiches ? Le matériel de campagne (électorale) n’a-t-il pas alors principalement vocation à légitimer les candidatures et à symboliser le rituel républicain et démocratique de l’élection ? Bref, faire du « théâtre » quoi !

- Comment fait-on campagne dans un lieu où sa réputation et celle de sa famille, sont souvent étroitement mêlées avec l’histoire du village ? Quel est aussi l’impact de la rumeur et des non-dits ? Des éléments relevant de la mémoire collective sont-ils activés au cours de cette période ? Comment joue le sentiment d’appartenance, dans un contexte où les interactions au sein de l’espace communal permettent moins mécaniquement qu’auparavant de soutenir la conviction d’appartenir à un double groupe : une collectivité et - accessoirement - un parti ?

La très faible distance qui sépare électeurs et élus paraît, en même temps, être de nature à brouiller les repères et à atténuer – voire à faire disparaître – la distinction entre les sphères privées et publiques.
Dès lors, quels sont les éléments pris en compte par les électeurs au moment du choix ?
Comment gèrent-ils la surabondance (ou la pénurie) d’informations ?
Quelle place accordent-ils aux rivalités personnelles passées ou présentes ?
Le mythe du maire-amateur est amplement diffusé, à tort ? - dans les communes rurales.
Habitant du village comme les autres, le maire rural serait une personne de bonne volonté, soucieuse de l’intérêt collectif mais personnellement désintéressée.... 
Cette représentation est cependant loin de répondre aux exigences posées par une sociologie du maire rural.
Ces Maires, de « campagne », continuent-ils de se distinguer vraiment du reste de la classe politique française : plus « notabilisé » ?
Au-delà des rapports de face-à-face entre l’élu et les citoyens, on peut s’interroger sur l’insertion de ces derniers dans les réseaux partisans et/ou notabiliaires.
Cette insertion implique-telle nécessairement une «mise sous tutelle» (préfectorale par exemple) ? 
Quelle est la place du cumul des mandats électoraux et non-électoraux (chambre d’agriculture, syndicat intercommunal, agence de développement local, etc.) dans la mise en place de stratégies politico-électorales de la part des maires ruraux ?
Enfin, comment se gèrent les tensions entre relations de clientèle et symbolique gestionnaire entre privatisation des ressources publiques (moyen dans certains cas, de continuer par d’autres moyens les luttes privées entre individus, familles et « clans », par exemple en matière de répartition et d’usage du foncier) et figure du maire-entrepreneur ?
Pas facile bien sûr à comprendre tout cela lorsqu'on observe cette effervescence « politico-rurale » avec une lorgnette urbaine.
Il y a des choses obscures que seul le « rural » pénètre, décrypte et vit sans trop de peine...
Il y a des mondes qui ne changent pas, à l'instar de ce petit petit village - télévisé - transalpin de Don Peppone et Don Camillo d'antant...
Et dans lequel le matin on se tapait (au sens propre et idéologique) sur la gueule, pour terminer, en soirée, à partager un verre de « goutte » qui tâche, sur le comptoir du troquet du coin ....
Certes, cela est fort bien sympathique, mais lorsque les choses ne se passent pas ainsi ?
Faudra-t-il craindre, à terme, dans ces agricoles conseils municipaux, un « Syndrome Columbine », du bien sinistre Columbine à Littleton : Colorado ?
Pas si loin de chez nous il y a eu .... Nanterre ...
Mais là il s'agissait d'un aliéné, n'est ce pas ? ...
Quoi qu'il en soit, amis ruraux, n'oubliez pas, dimanche, d'aller voter, hein ?!?

 

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C
J'ai voté et si tu veux dire aux chercheurs que notre petit village rural ? ? ?( comment ça rural puisque peril urbain périurbain avec maisonnettes quelques immeubles pas trop haut)  trois listes en présence dont une candidature individuelle que je soutenais fort serait sans doute un bon terrain d'études. Fait marquant les trois listes avaient un blog ou un site, et la c'est la premiére fois que ça existe. Un recours au tribunal administratif a même été déposé puisque 3 bulletins litigieux permettrait tant l'écart de voix était ténu, de faire basculer totalement le rapport de forces entre les élus des deux listes qui ont été élus à 13 contre 6 Du coup ça nous promet encore des belles bagarres, et souvent la mante se fait encore mal traitée lol
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L
hihi un désherbant à la campagne, voilà qui promet d'être cocasse :)
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H
Bises chocolatées! 
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M
Coucou Désherbant, c'est très gentil d'être venu faire un tour au musée aujourd'hui.Je te souhaite une très agréable soirée.Bye,
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M
Coucou Désherbant, tu te lances dans la campagne ?Gros bisous et bon week-end,
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